Aline Morvan

EPLUCHEZ

Image © Offhause Museum

« Il y a un tas, amas de formes retorses et aérées. Est ce du métal ? La texture le laisserait penser. Est-ce vivant ? La forme évoque des pelures végétales. Mais c’est la terre qui a été épluchée. Pelures minérales.
Végétalisée, artificialisée, virtualités des devenirsformes terrestres. Et ses teintes métallisées sont la métamorphose du carbone sous la chaleur extrême.
Pelures brûlantes et terre brulée. Si l’on glisse une pelure dans sa poche, le tas change de forme. Mais c’est encore un tas. A partir de combien de pelures, la texture individualisée laisse-t-elle la place à l’amalgame collectif ? Quelle armée a épluché ? Combien de trouffions en corvée ? Combien de patates pour nourrir quelles guerres ? Comment s’agencent les formes retorses, comment s’affaissent-elles, comme se brisent-elle les ailes ? La forme du tout résulte de la configuration, à chaque instant, infinitésimalement changeante, des copeaux de terre. Chacun est responsable de la forme du monticule mais, en même temps, présence contingente qui oeuvre au tout sans le nécessiter. Ici repose une forme friable composés de pelures – pelures d’égos face au tout social ? Reste l’espace qui accueille cette configuration et englobe le tas et remplit les moindres espaces pour créer du lien. Peut-être au fond, avions nous sous les yeux une société d’être terrestres et brûlés (d’amour ?), relationnels, tous parents, tous différents, souvent souffrant à l’étroit, nul nécessaire et pourtant chacun irremplaçable. En somme, en tas, nous, terriens fugaces, copeaux baignés d’espace. Dieux, épluchez vous la terre ? » Damien Delorme